Cet article a été élaboré à partir de la présentation de Martin Duval, Bluenove (2025)
Depuis plusieurs que je travaille sur les stratégies d’innovation, une certitude s’est imposée à moi : on ne décrète pas une culture de l’innovation. Elle se construit. Elle se cultive. Elle se vit.
Et c’est précisément ce que rappelle brillamment Martin Duval, CEO de Bluenove, dans sa présentation « Innovation Culture, a never-ending journey?» que j’ai eu le plaisir d’explorer récemment. À travers une grille de lecture simple et puissante, il nous pousse à réfléchir à ce qui différencie profondément une entreprise innovante… d’une entreprise qui « fait de l’innovation ».
L’innovation n’est pas un département, c’est un état d’esprit collectif
Contrairement à une idée encore trop répandue, la culture de l’innovation ne se limite pas à un lab, à une équipe R&D ou à des événements internes ponctuels. Elle ne s’incarne pas uniquement dans la technologie ou dans les POC. Elle se manifeste dans la manière dont une organisation pense, apprend, accepte l’échec, collabore, et explore.
Ce que la culture de l’innovation n’est pas
- Une aversion au risque
- Une série d’idées sans lendemain
- Un espace réservé à quelques « créatifs »
- Une logique de succès à tout prix, où l’échec est puni
- Une vision centrée uniquement sur la technologie
Ce qu’elle est réellement
- Un espace sécurisé pour expérimenter
- Une capacité d’apprentissage collectif, fondée sur le droit à l’erreur
- Une orientation vers le passage de l’idée au scale
- Un levier stratégique pour adresser les enjeux écologiques, économiques et sociétaux
- Une dynamique inclusive où chaque collaborateur devient un contributeur potentiel au changement
Ce qui freine (et ce qui permet) l’émergence d’une culture de l’innovation
Les freins majeurs :
- Silos organisationnels
- Bureaucratie lourde
- Priorisation court-termiste
- Peur du jugement
- Manque de confiance entre les équipes
Les leviers-clés :
- Engagement fort et visible de la direction
- Temps et espace dédiés à l’exploration
- Encouragement de l’expérimentation par la reconnaissance
- Collaboration transversale et décloisonnée
- Boucles de feedback agiles, rapides et sincères
Pourquoi est-ce devenu vital ? Une lecture VUCA & BANI
Le monde de l’entreprise évolue aujourd’hui dans un contexte BANI :
- Brittle : cassant
- Anxious : anxiogène
- Non-linear : imprévisible
- Incomprehensible : complexe au-delà de la rationalité
Dans ce cadre, une entreprise qui ne développe pas sa capacité d’adaptation, d’exploration et de réinvention s’expose à une obsolescence rapide. La culture de l’innovation devient alors un bouclier stratégique.
À quoi reconnaît-on une véritable culture de l’innovation ?
Une véritable culture de l’innovation se reconnaît à plusieurs marqueurs comportementaux et organisationnels. Contrairement aux environnements où les échecs sont tus ou sanctionnés, une culture d’innovation valorise l’erreur comme une opportunité d’apprentissage : les échecs y sont analysés, partagés, et intégrés aux cycles d’amélioration continue.
Dans une organisation peu innovante, seules les idées validées ou émises par la hiérarchie sont considérées. À l’inverse, une culture d’innovation fait émerger des idées à tous les niveaux de l’organisation, donnant la parole aux collaborateurs, quel que soit leur poste ou leur ancienneté.
Lorsque tout est orienté vers l’exécution opérationnelle, sans espace ni temps pour l’exploration, l’innovation ne peut prospérer. Une entreprise innovante consacre donc du temps, des ressources et des rituels spécifiques à l’expérimentation et à la découverte.
Autre distinction : dans une structure sans culture d’innovation, les efforts innovants sont invisibles dans les indicateurs de performance. A contrario, les organisations matures intègrent l’expérimentation dans leurs KPIs, leur reporting et leurs processus de pilotage.
De plus, une culture rigide tend à protéger le statu quo et à décourager toute remise en question. Les entreprises innovantes, quant à elles, créent un climat psychologique sécurisant où il est non seulement possible, mais encouragé, de remettre en question les pratiques établies.
Enfin, alors que les équipes fonctionnent en silos dans les organisations peu innovantes, la culture de l’innovation repose sur une collaboration active, tant en interne (entre départements) qu’en externe (avec des partenaires, startups, universités…).
Une échelle de maturité en 5 niveaux
Pour évaluer la maturité d’une organisation en matière de culture de l’innovation, Martin Duval propose une grille en cinq niveaux permet de situer où elle se trouve sur ce chemin de transformation.
Au niveau 1 – Emerging, l’innovation est encore marginale : les initiatives restent informelles, isolées, et aucun langage commun n’est établi autour de l’innovation. On est encore loin d’une dynamique collective structurée.
Le niveau 2 – Initiated marque l’apparition de premiers processus ou rôles dédiés, mais l’innovation reste perçue comme une activité périphérique, souvent cantonnée à quelques individus ou projets pilotes.
En atteignant le niveau 3 – Structured, l’organisation dispose de ressources dédiées, de rituels réguliers, et l’innovation commence à être liée à la stratégie globale de l’entreprise. C’est un stade de structuration active.
Le niveau 4 – Integrated reflète un changement plus profond : l’état d’esprit d’innovation est partagé par les différentes équipes, les indicateurs d’apprentissage sont suivis, et la collaboration devient transversale, dépassant les silos habituels.
Enfin, le niveau 5 – Embedded désigne l’aboutissement du processus : l’innovation fait partie intégrante de l’ADN de l’organisation. Chaque collaborateur y contribue naturellement, l’innovation devient un réflexe collectif, agile et scalable.
Cette échelle constitue un outil précieux pour réaliser un diagnostic sincère et partager une vision commune. Elle permet non seulement de situer le niveau actuel, mais aussi d’identifier les leviers d’action pour progresser ensemble vers une culture pleinement innovante.
Une stratégie d’innovation sans culture est un château de cartes. Mais une culture d’innovation bien ancrée transforme toute l’organisation en moteur de transformation.
Si ce sujet vous interpelle, je vous invite à consulter les travaux de Martin Duval et de Bluenove
Source : Linkedin Florent Youzan