Les partenariats technologiques internationaux sont souvent présentés comme des opportunités naturelles pour accélérer le développement de l’IA en Afrique. Pourtant, l’histoire récente montre que tous les partenariats ne produisent pas de souveraineté. Certains créent de la capacité locale ; d’autres organisent une dépendance sophistiquée. La différence ne tient pas à l’origine du partenaire, mais à la clarté des règles du jeu définies dès le départ.
Le premier non-négociable concerne le transfert réel de compétences, et non la simple fourniture de solutions. Trop de partenariats se limitent à l’implémentation de technologies clés en main, laissant peu de traces une fois le contrat terminé. Un partenariat stratégique doit inclure des obligations mesurables : formation d’ingénieurs locaux, co-développement de modèles, accès au code source ou à des briques critiques, et implication active des universités et centres de recherche africains. Sans apprentissage structuré, il n’y a pas d’autonomie future.
Le deuxième non-négociable est la maîtrise des données et des modèles issus des usages africains. Les données générées localement, notamment dans les services publics, la santé, l’agriculture ou l’éducation, ne peuvent être la monnaie d’échange implicite de l’accès à la technologie. Les accords doivent garantir que ces données restent sous juridiction africaine et que les modèles entraînés à partir de celles-ci puissent être utilisés, adaptés et réentraînés localement. La souveraineté commence là où se décide qui apprend de qui.
Troisièmement, les partenariats doivent intégrer une logique de co-création de valeur, et non de simple sous-traitance. L’Afrique ne doit pas être uniquement un terrain d’expérimentation ou un marché de déploiement, mais un espace de conception. Cela implique une participation équitable aux revenus générés, à la propriété intellectuelle et aux opportunités d’exportation des solutions développées conjointement. Sans partage de la valeur, la coopération reste asymétrique.
Un autre point critique est la réversibilité technologique. Aucun partenariat ne devrait enfermer un État, une entreprise ou un écosystème dans une dépendance irréversible à une plateforme ou à un fournisseur unique. Des clauses de portabilité, d’interopérabilité et de sortie doivent être intégrées dès l’origine, même si elles semblent théoriques au départ. La souveraineté se mesure aussi à la capacité de changer de trajectoire.
Enfin, l’Afrique doit parler d’une voix plus coordonnée dans la négociation de ces partenariats. Fragmentée, elle négocie en position de faiblesse ; alignée régionalement, elle devient un partenaire stratégique incontournable. Les coopérations Sud-Sud, notamment avec des pays ayant développé leurs propres capacités IA sous contraintes, peuvent jouer ici un rôle d’équilibrage géopolitique.
Un partenariat technologique réussi n’est pas celui qui apporte la solution la plus avancée aujourd’hui, mais celui qui permet à l’Afrique de construire ses propres solutions demain.